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L'Aide Médicale Urgente à Bruxelles (AMU)

Pistes pour une harmonisation et une simplification de la procédure « Aide Médicale Urgente » (AMU) à Bruxelles

En Belgique, le droit à la santé pour les personnes en séjour irrégulier et certaines catégories de ressortissant·es européen·nes est garanti par la procédure « aide médicale urgente » (AMU). Ce droit, contrairement à ce que laisse sous-entendre sa dénomination, couvre tous les soins de santé, préventifs et curatifs, attestés par un·e médecin. Cette aide relève d’une compétence fédérale, coordonnée par le SPP Intégration Sociale, mais est administrée au niveau local par les CPAS.

En Belgique, le droit à la santé pour les personnes en séjour irrégulier et certaines catégories de ressortissant·es européen·nes est garanti par la procédure « aide médicale urgente » (AMU). Ce droit, contrairement à ce que laisse sous-entendre sa dénomination, couvre tous les soins de santé, préventifs et curatifs, attestés par un·e médecin. Cette aide relève d’une compétence fédérale, coordonnée par le SPP Intégration Sociale, mais est administrée au niveau local par les CPAS.

Les dépenses liées à l’AMU représentent environ 0.26% du budget de l’assurance soins de santé pour environ 100.000- 150.000 personnes en séjour irrégulier présentes en Belgique, soit 1% de la population belge. Environ 65% des bénéficiaires résident à Bruxelles. Il n’est donc pas étonnant de constater que 66% de ce budget est utilisé sur le territoire bruxellois*. En 2018, 28% du budget AMU fédéral a été employé par l'hôpital Saint-Pierre de Bruxelles1 .

Suivant les chiffres du tableau en bas de cette page, sur ces 100.000-150.000 personnes en situation irrégulière 80 à 90% n’ont pas recours à l’AMU, alors qu’elles y ont droit. Elles n’y ont pas recours parce qu’elles n’osent pas pousser la porte d’un CPAS, parce qu’elles n’en sont pas informées ou encore parce qu’elles ne savent pas franchir une ou l’autre étape de la procédure de demande, jugée trop longue et complexe. Selon le rapport 2020 de l’Observatoire social et de la santé de la région bruxelloise, 50 % des personnes en séjour irrégulier n’ont tout simplement pas connaissance de cette procédure.

En même temps, l’AMU représente une bureaucratie lourde et coûteuse pour les CPAS. La diversité et la complexité des pratiques actuelles des CPAS créent également des difficultés de gestion pour les prestataires de soins et les services médicaux. Ces pratiques divergentes sont particulièrement problématiques dans la région bruxelloise, qui comprend 19 communes étroitement connectées, en raison du taux élevé de mal-logement et de sans-chez-soirisme des ayants-droit en séjour irrégulier.

En conséquence, de nombreuses personnes n’ont pas accès aux soins ou doivent reporter leurs soins. Pourtant, un meilleur accès aux soins préventifs des bénéficiaires devrait permettre, à coût égal voire moindre, une meilleure qualité de soins et un meilleur usage des services de santé.

Pour les personnes qui n’arrivent pas à obtenir une prise en charge par un CPAS, les prestataires de soins sont régulièrement amené·es à effectuer des prestations non remboursées et font face à une surconsommation des services d’urgence, de garde et bas seuil. De nombreux·ses prestataires de soins font face à des difficultés financières suite à des prestations de soins urgents et nécessaires, sans qu’elles soient prises en charge par la suite par les autorités compétentes.

Ainsi, simplifier la procédure AMU représenterait des gains pour toutes les parties prenantes : un allégement et une simplification de la charge administrative liée aux différentes procédures pour le personnel des CPAS et services sociomédicaux, plus de clarté dans les procédures à suivre et la prise en charge pour les ayants-droit, les prestataires de soins et les services sociaux, un soulagement pour les services d’hospitalisation, d’urgences, de garde et bas seuil, une meilleure prise en charge préventive pour les ayants-droit…

Jamais auparavant la déclaration politique du Gouvernement bruxellois n'avait été aussi claire sur les enjeux de l’accessibilité aux soins de santé pour tou·te·s2 . L’étude de la Fédération des CPAS bruxellois, publiée en 2019, nous fournit des pistes de réforme avec la perspective des travailleurs et travailleuses des CPAS3 . Suite à cette étude, Médecins du Monde et le Projet Lama ont rédigé une note réunissant les constats et recommandations des CPAS bruxellois et une série d’acteurs associatifs et prestataires de soins4 , suivant les recommandations formulé par le KCE5 .

Les bonnes pratiques mises en place dans le cadre des crises successives (Covid, Ukraine…) ont montré qu’avec une volonté politique des solutions pour les populations vulnérables sont possibles. Harmoniser et simplifier le fonctionnement de l’AMU peut nous permettre d’en faire un véritable outil pour réduire le non-recours aux droits, le non-accès aux services, ou le report de soins, dans un intérêt global de santé publique, d’inclusion et de justice sociale.

Au vu de tous ces éléments, nous sommes convaincu·es que c’est un momentum politique dont nous devons collectivement nous saisir.

Les propositions que nous formulons ci-dessous visent à faciliter l’accès aux soins des ayants-droit à l'aide médicale urgente et à simplifier la procédure administrative, tant pour les ayants-droit, les CPAS que pour les prestataires de soins, sans que cela ne représente un coût supplémentaire. D’ailleurs, plusieurs propositions sont déjà mises en pratique par certains CPAS.

Les propositions formulés ici, respectent le cadre légal actuel qui définit l’accès et la couverture de l’AMU. Pour aller vers une réforme permettant une réelle harmonisation et simplification de l’AMU, nous renvoyons les lecteurs et lectrices de cette note vers les recommandations formulées par le KCE en 20155

Nos propositions

  1. L’harmonisation et la simplification de la procédure administrative par :
    • un document type d’ « attestation aide médicale urgente » (AAMU) valable dans tous les CPAS (projet en cours de finalisation à la Fédération des CPAS bruxellois)
    • une rationalisation et une uniformisation de l’enquête sociale en fonction de la réalité de vie des bénéficiaires par :
      • un réel accueil « bas seuil » pour introduire une demande avec un accès à l’interprétariat ;
      • une enquête limitée à une fois par an ;
      • l’automatisation de l’octroi d’un accusé de réception une fois que la demande est introduite ;
      • la clarification des documents/informations à fournir avec une définition commune des conditions de l’indigence et de la territorialité.
    • la mise en place d’une procédure rapide permettant l’accès aux soins urgents et le suivi des maladies chroniques en dehors du milieu hospitalier, par ex. pour une IVG, avec :
      • une prise en charge immédiat et temporaire durant l’enquête (« carte temporaire ») ;
      • une enquête sociale accélérée ;
      • la possibilité d’introduire une demande en dehors de toute épisode de maladie.
  2. L’uniformisation et le partage des documents principaux par :
    • l’uniformisation des documents :
      • l’attestation aide médicale urgente (AAMU) ;
      • carte AMU d’un an ;
      • carte temporaire pour les soins urgents ;
      • un descriptif de l’enquête sociale.
    • la publication en ligne des informations :
      • contact des différents services ;
      • un descriptif des procédures à suivre en différentes langues ;
      • les documents nécessaires pour introduire une demande;
      • assurer une meilleure communication envers les prestataires et les services de soins.
  3. L’harmonisation de la couverture des soins pour tous·tes par :
    • la standardisation d’une carte AMU d’un an avec une couverture complète, afin d'éviter une charge administrative supplémentaire pour les prestataires de soins et le CPAS par :
      • un accès automatique à tous les actes de la nomenclature INAMI ;
      • une ouverture automatique du logiciel MediPrima ;
      • la suppression des réquisitoires papiers.
    • une liste des prestataires de soins conventionné·es avec l’ensemble des CPAS bruxellois, couvrant tout le territoire bruxellois, avec un mention des langues parlées par les prestataires de soins sur cette liste, ainsi une procédure accélérée et standardisée pour conventionner des prestataires de soins sans convention avec un/les CPAS.

ou

  • la suppression de l’obligation pour les prestataires de soins de se conventionner avec un/des CPAS pour prendre en charge les bénéficiaires AMU, toute en gardant l’idée d’avoir une liste des prestataires de soins travaillant aux tarifs conventionnés à disposition des bénéficiaires.
  • la mise à jour de la « liste des médicaments D » accessible pour tous·tes les bénéficiaires de l’AMU.
  • l’élargissement et la facilitation du logiciel MediPrima à tous·tes les prestataires de soins (extrahospitalier).

Signataires

Cette note et les propositions sont soutenues par les organisations/fédérations suivantes :

- Médecins du Monde Belgique/Dokters van de Wereld België - Projet Lama - CHU Saint-Pierre - Centre Athéna Centrum asbl - Médecins sans Frontières/Artsen zonder Grenzen - Plateforme Citoyenne BelRefugees - SamuSocial - Espace P - UTSOPI - Conseil bruxellois de coordination sociopolitique ASBL - Inter-fédération des Secteurs Social-Santé Ambulatoires COCOF, et ses membres (Fédération des services sociaux, Fédération des services bruxellois d’aide à domicile, Fédération des maisons médicales, Fédération laïque de centres de planning familial, Fédération des Centres Pluralistes de Planning Familial, Ligue bruxelloise francophone pour la santé mentale, Fédération bruxelloise francophone des institutions pour toxicomanes, Fédération bruxelloise pluraliste des soins palliatifs et continus, Fédération bruxelloise des centres de coordination de soins et de services à domicile, Centre d’appui – Médiation de dettes, Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri) - Pigment vzw - Vzw Alias asbl - CIRÉ - Brussels Platform Armoede (BPA) - Belgian Anti-Poverty Network (BAPN) - Ulysse – SSM - Cultures et Santé asbl - BHAK (de Brusselse Huisartsenkring) - FAMGB (Fédération des Associations de Médecins Généralistes de Bruxelles) - Mutualité Chrétienne - CSC Bruxelles - CIEP-MOC Bruxelles - CSD Bruxelles - Centrale de Services & de Soins à Domicile - DIOGENES Travail de Rue – Straathoekwerk - SAAMO Brussel/Bruxelles - Collectif Solidarité Contre l'Exclusion (CSCE) - Artha - Babel - Equipe asbl - Huis voor Gezondheid vzw - Wijkgezondheidscentrum Medikuregem vzw - DoucheFLUX - Maison Médicale des Marolles - Wijkgezondheidscentrum De Brug – La Passerelle Molenbeek - SOS Jeunes - Plate-forme Mineurs en exil - Platform Kinderen op de vlucht - Ligue des Droits Humains asbl


Sources

1 Lorand Sarah, “Aide Médicale Urgente et frais hospitaliers, quand la précarité est pénalisée. Analyse des refus de prise en charge des frais d’hospitalisation de patients en séjour illégal soignés au sein du CHU Saint-Pierre, année 2018”, ULB, 2019

2 http://www.parlement.brussels/wp-content/uploads/2019/07/07-20-D%C3%A9claration-gouvernementale-parlement-bruxellois-2019.pdf, “Déclaration de politique générale commune au Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et au Collège réuni de la Commission communautaire commune”, p33-34, 2019.

3 Fédération des CPAS bruxellois, Brulocalis, Association ville et communes de Bruxelles, La Fédération des CPAS Bruxellois veut simplifier et renforcer l’accès aux soins de santé des personnes émargeant aux CPAS (brulocalis.brussels), “Enquête sur les pratiques et politiques des CPAS bruxellois en matière de soins de santé : vers une harmonisation ?”, 09/2019.

4 Médecins du Monde & Projet Lama (Sarah Melsens) “Note de travail: Vers une harmonisation et simplification des pratiques et politiques des CPAS bruxellois dans le cadre de l’Aide Médicale Urgente ?”, 26/05/2021.

5 Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE), « Quels soins de santé pour les personnes en séjour irrégulier ? – Synthèse (fgov.be) », 2015.